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Outside Lands Music Festival à San Francisco, et l’occasion pour nous de revenir sur l’état du marché US de la distribution musicale

26 août 2008

Avec une fréquentation moyenne de 50 000 personnes par jour, le festival qui s’est tenu au Golden Gate Parc à San Francisco du 22 au 24 août a rencontré un succès sans précédent pour une première édition. Le pass pour trois jours de festivités coûtant en moyenne 230 dollars, les recettes du live ont aussi été au rendez vous… Dans la plus pure tradition des rendez vous musicaux de l’été en Californie (Coachella, Burning Man…), Outside land a su imposer un nouveau style cette année, tout en ravissant les fans, venus nombreux acclamer un line up de qualité.

Avec une affiche aussi prestigieuse qu’exclusive, les organisateurs ont pu offrir au public de la Bay Area 2h de concert de Radiohead, mais aussi les performances live de Beck, Manu Chao, Sharon Jones, Bon Iver, ou encore Two Gallants, originaires de la région, parmi plus de 65 groupes au total. Pour le line up complet du festival ainsi que les photos, voir le site officiel http://sfoutsidelands.com.

Radiohead a en outre joué pour la première fois de nuit au Golden Gate Parc, offrant ainsi un spectacle sans précédent accompagné de nombreux jeux de lumière.

Il faut dire qu’après la sortie de leur dernier album « in Rainbows » en download « pay as you want », et une seule date à San Francisco depuis près de 3 ans, le rendez vous de Radiohead était une occasion à ne pas manquer. Bien que les détails financiers de cette opération n’aient pas été divulgués par le groupe, des estimations ont néanmoins circulé sur la toile, et c’est le chiffre de 3 millions de dollars qui semble in fine avoir été retenu comme bilan de l’opération download « pay as you want ». En outre, l’album a également fait l’objet d’une distribution plus classique à compter du 1er janvier 2008, avec des ventes boostées par le buzz marketing ayant accompagné l’avant première de la sortie digitale (cf. http://www.wired.com/entertainment/music/magazine/16-01/ff_yorke).

Acclamé par les critiques et chéri par le public depuis près de 15 ans, Radiohead fait ainsi figure de précurseur dans la redéfinition des modèles économiques liés à l’exploitation de la musique à l’ère du tout numérique. Mais au moment même où le groupe effectue sa tournée US, BMI (Broadcast Music Inc.) publiait ses résultats annuels, et Pandora évoquait la possibilité d’un dépôt de bilan si la législation en vigueur concernant les web radios ne venait pas à évoluer aux Etats-Unis. Coïncidence calendaire certes, mais qui illustre la schizophrénie de l’industrie musicale face à l’adoption de modèles de distribution innovants.

BMI d’une part, organisme de collecte de droits d’auteur US, annonçait pour l’année fiscale 2008 avoir dépassé 786 millions de dollars de royalties à distribuer à ses membres, (chanteurs, compositeurs et éditeurs) et plus de 901 millions de dollars de revenus (http://www.thefreelibrary.com/Broadcast+Music,+Inc.(R)+(BMI(R))+Tops+$900+Million+Mark+in+Revenues…-a0183638923 ). C’est une hausse de 8% de CA pour l’organisme, à l’heure où la RIAA affiche une baisse annuelle de CA de 11,8% en 2007, malgré une hausse de 49,2% des revenus liés aux ventes numériques qui représentent en 2007 23% du CA total de l’industrie phonographique US (vs 9% en 2005, voir http://76.74.24.142/81128FFD-028F-282E-1CE5-FDBF16A46388.pdf pour plus de détails).

Ces chiffres illustrent le poids croissant des nouveaux réseaux pour une industrie qui a eu du mal à s’y adapter, mais qui aujourd’hui semble in fine avoir su prendre le contre pied de nombreuses années d’immobilisme en matière de distribution musicale numérique.

Concernant le poids des royalties liés à l’exploitation musicale sur les nouveaux réseaux (web radio, mobile, réseaux sociaux…), il représente aujourd’hui environ 15 millions de dollars, quand les royalties liés à la distribution musicale via câble/satellite/radio satellite comptent pour 208 millions (soit 23%) des revenus annuels de l’homologue US de la SACEM.

Pour autant, les réseaux sociaux comme Pandora, Imeem ou encore Last FM connaissent un écho très favorable auprès du public. Mais les royalties exorbitants imposés par ce type d’exploitation aux Etats-Unis pourraient bien in fine freiner le développement de tels services, voire aboutir à la fermeture de plateformes comme Pandora, qui se targue pourtant aujourd’hui d’une base d’utilisateurs de plus 13 millions, et qui a su développer des applications permettant de rendre le service disponible en mobilité, gratuitement, le tout étant financé par la publicité.

En effet, « aux Etats-Unis, les stations radio payent différents taux selon la façon dont elles diffusent la musique. Les stations AM/FM traditionnelles ne payent rien tandis que les radios satellites elles payent environ 1,6 cents par heure et par auditeur. En 2010, Pandora et les autres radios Internet devront verser 2,91 cents. Pandora affirme devoir déjà payer 70% de ses 25 millions de revenus en droits d’auteur. Leur société est en péril et il en va de même pour les autres radios Internet. » (voir http://fr.techcrunch.com/2008/08/17/doit-on-sacrifier-pandora-sur-lautel-de-lindustrie-de-la-musique-en-ligne/ pour le post complet). L’extrait de ce post publié sur Techcrunch illustre ainsi encore la réticence actuelle avec laquelle les majors de l’industrie du disque embrassent la distribution en ligne.

Alors que le piratage a bouleversé la donne dans le secteur, que le live devient une source de revenus majeure pour les artistes, les distributeurs et éditeurs de musique pourraient bien voir leur situation encore plus sinistrée en s’obstinant à nier les mutations en cours dans le comportement des consommateurs eu égard à la consommation musicale.

Géraldine Ohana

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